Projet de l'Artère Centrale de Boston (CA/T) - Vue de Boston depuis la rivière Charles

Reconnu comme le projet autoroutier le plus vaste, le plus complexe et le plus difficile à mettre en œuvre du point de vue technologique, dans l’histoire des États-Unis, le Big Dig (surnom de Central Artery/Tunnel Project) a permis de réduire nettement la congestion du trafic et d’améliorer la mobilité dans l’une des principales villes américaines les plus anciennes et les plus encombrées.

En outre, il a contribué à améliorer l’environnement et à préparer le terrain de la croissance économique continue pour le Massachusetts et l’ensemble de la Nouvelle Angleterre.

Le projet a été conçu pour remplacer l’autoroute surélevée à six voies, la Central Artery (I-93), par une autoroute souterraine moderne de huit à dix voies et deux nouveaux ponts sur la Charles River. Il s’agissait aussi de prolonger l’autoroute I-90 jusqu’à l’aéroport international Logan de Boston, et la Route 1A, de créer environ 120 hectares d’espace libre et, enfin, de rétablir le lien entre le centre ville et le front de mer.

La planification du Big Dig a commencé en 1982 avec la préparation des rapports d’évaluations des impacts environnementaux. À ce stade, les experts en transport ne pouvaient pas prévoir précisément les difficultés auxquelles ils allaient être confrontés durant le long chemin jusqu’à la conception et construction du projet. Le Congrès a approuvé le financement fédéral et le principe de base du projet en avril 1987.

Les travaux ont démarré en septembre 1991 sur la route de contournement au sud de Boston pour dévier la circulation des camions de ce quartier, ainsi que sur le troisième tunnel pour la traversée du port de Boston.

La première grande étape a été l’ouverture du tunnel Ted Williams, ainsi nommé pour rendre hommage à cette grande légende du baseball. Les travaux pour l’essentiel ont été achevés le 13 janvier 2006.

Le Problème

Boston, dans l’État du Massachusetts, était confrontée comme toutes les grandes agglomérations du monde, à de graves problèmes d’encombrement, notamment au niveau de la Central Artery, autoroute surélevée de six voies traversant le centre ville. À sa création en 1959, la Central Artery accueillait sans problème environ 75 000 véhicules par jour. Mais au début des années 90, ce chiffre était passé à 200 000 véhicules par jour, faisant de cet axe l’une des autoroutes les plus encombrées des États-Unis.

La circulation était au ralenti pendant plus de dix heures par jour. Le taux d’accidents sur la Central Artery, en mauvais état, était quatre fois plus important que la moyenne nationale pour les autoroutes interurbaines. Le problème de congestion menaçait également les deux tunnels sous le port de Boston, entre le centre ville et l’est de Boston/l’aéroport Logan. Sans améliorations substantielles apportées à la Central Artery et aux passages permettant de traverser le port, Boston pouvait s’attendre à être confrontée d’ici 2010 à des bouchons, survenant à tout moment de la journée et paralysant cet axe jusqu’à 16 heures par jour.

Les coûts annuels pour les automobilistes imputables à ces bouchons – coûts liés au taux d’accidents élevé, au carburant gaspillé parce que le moteur tourne au ralenti et aux frais de retard – étaient estimés à 500 millions de dollars.

Et la Central Artery n’était pas seulement blâmée pour les problèmes de congestion du trafic. Cette autoroute surélevée (dont la construction avait causé le déplacement de 20 000 résidents) avait aussi l’inconvénient d’isoler du centre ville les quartiers de l’extrémité nord et du front de mer de Boston, et de limiter ainsi leurs possibilités de participer à la vie économique de la ville.

La solution

Cette situation extrêmement problématique engendrait sans cesse pour Boston et la Nouvelle Angleterre une détérioration de la qualité de vie et des pertes économiques considérables. La solution du Big Dig a donc été adoptée et réalisée sous la supervision et l’exploitation de la Massachusetts Turnpike Authority (MTA), l’autorité du Massachusetts chargée des autoroutes à péage.

Les deux principales composantes du projet

Premièrement, le projet prévoyait donc de remplacer l’autoroute surélevée à six voies par une autoroute souterraine de huit à dix voies, implantée directement sous la route existante et débouchant à son extrémité nord sur deux ponts (14 voies) pour traverser la Charles River. Dès l’ouverture de l’autoroute souterraine à la circulation, les infrastructures surélevées, délabrées, ont été démontées laissant la place à un espace ouvert.

Deuxièmement, il s’agissait de prolonger l’autoroute I-90 au-delà de son ancien terminus au sud du centre ville, par un tunnel passant sous le quartier sud et le port de Boston pour atteindre l’aéroport Logan. Le premier élément de cette nouvelle liaison – le tunnel Ted Williams à quatre voies, passant sous le port – a été achevé en décembre 1995.

Les défis à surmonter

La réalisation de ce projet de modernisation dans l’espace souterrain d’une ville telle que Boston s’est avérée l’un des chantiers d’infrastructures les plus importants et les plus techniquement complexes dans un environnement difficile, jamais entrepris aux États-Unis. Le projet englobait en effet 11,2 km d’autoroutes, soit 260 km de voies au total, dont la moitié dans des tunnels.

Au final, les ouvriers ont coulé pas moins de 3 millions de m3 de béton – l’équivalent de 950 hectares sur 30 cm d’épaisseur – et creusé plus de 12 millions de m3 de sol. Le plus grand des deux ponts franchissant la Charles River, le Leonard P. Zakim Bunker Hill Bridge, est un pont à haubans hybride, à dix voies ; il s’agit du pont le plus large du monde, et également du premier de conception asymétrique.

Le projet englobait également quatre grands échangeurs autoroutiers destinés à relier les nouvelles routes au système autoroutier régional existant. À l’aéroport Logan, un nouvel échangeur assure la liaison entre la I-90 et la Route 1A ainsi que jusqu’au réseau routier de l’aéroport. Dans le quartier sud de Boston, un échangeur partiellement souterrain achemine le trafic entre la I-90, le front de mer en rapide expansion et le quartier du centre des congrès.

À l’extrémité nord du projet, un nouvel échangeur relie la I-93 au nord de la Charles River au Pont Tobin, Storrow Drive, et la nouvelle autoroute souterraine.

À l’extrémité sud de l’autoroute souterraine, l’échangeur entre la I-90 et la I-93 a été entièrement reconstruit sur six niveaux – dont deux souterrains – pour relier la Central Artery souterraine et l’extension des autoroutes payantes(Turnpike) via le quartier sud de Boston. L’échangeur dessert un total de 28 routes, y compris les voies réservées au transport en commun, et il canalise la circulation à destination et au départ de l’aéroport Logan dans la partie orientale. Un cinquième échangeur (Massachusetts Avenue) sur la I-93, a été également refait dans le cadre du projet.

Le Big Dig a été un chantier d’une envergure comparable aux grands projets du siècle dernier tels que le canal de Panama, le tunnel sous la Manche (le « Chunnel »), l’oléoduc Trans-Alaska.

Chacun de ces projets a représenté un défi unique en son genre : pour le canal de Panama, il a fallu surmonter différents problèmes tels que des glissements de terrain, l’apparition du paludisme et de la fièvre jaune, et la jungle de l’Amérique centrale.

Le tunnel sous la Manche a été réalisé en creusant à la fois à partir de la côte française et de la côte britannique, séparées entre elles par environ 50 km, et la difficulté était de se rejoindre sous la mer à un endroit très précis. S’agissant de l’oléoduc en Alaska, il a fallu surmonter des difficultés liées aux très grandes distances, aux températures glaciales et à d’importants problèmes environnementaux.

Le principal défi posé par le Big Dig a été de mener à bien ce chantier au cœur de Boston sans paralyser la ville. Jamais aucun chantier de cette envergure et d’une telle durée n’avait été entrepris au cœur d’une agglomération et, contrairement à d’autres grands projets autoroutiers, le Big Dig a été conçu de façon à préserver la capacité de circulation et l’accès aux zones résidentielles et aux entreprises pendant toute la durée du chantier.

Lors des projets autoroutiers entrepris dans les années 50 et 60 pour la construction des premiers axes inter-états, peu d’attention avait été accordée aux communautés situées sur le tracé des nouvelles routes, et les perturbations et interruptions du trafic avaient été nombreuses à l’époque.

Conscients que la compétitivité de la ville risquait d’être affectée pendant des années si on ne parvenait pas à préserver la viabilité économique de Boston pendant la durée du chantier, les planificateurs du projet ont travaillé de concert avec les organismes environnementaux et de surveillance et délivrance des permis, avec les groupes communautaires, les entreprises et les dirigeants politiques pour parvenir à un consensus sur les modalités de réalisation du projet.

Les mesures de protection déployées pour maintenir l’activité de la ville et s’assurer du traitement équitable de tous les groupes affectés ont représenté plus d’un quart du budget global.

Résultats

Grâce aux améliorations du trafic et à la réduction des retards, le temps total de trajet en voiture sur la zone du Big Dig a chuté de 62 % entre 1995 et 2003, ce qui représente des économies annuelles de temps et de coûts de 168 millions de dollars environ pour les automobilistes.

Les temps moyens de trajet des résidents des quartiers sud et ouest de Boston de l’échangeur I-90/I-93 jusqu’à l’aéroport Logan durant les heures de pointe ont diminué de 42 à 74 % selon la direction et l’heure de la journée.

Les niveaux de monoxyde carbone en ville ont diminué de 12 %. Les avantages sur le plan économique et du transport sont décrits en détails dans cet article.

Tout en améliorant la mobilité dans le centre ville de Boston, le Big Dig a permis de relier à nouveau les quartiers jadis coupés les uns des autres par l’ancienne route surélevée, et d’accroître la qualité de vie dans la ville au-delà des limites de la nouvelle autoroute.

L’argile et les graviers provenant du chantier du Big Dig ont été utilisés pour combler et enfouir différentes décharges de la Nouvelle Angleterre, notamment celle de Spectacle Island.

Parcs et espaces ouverts

Le Big Dig a permis de créer plus de 45 parcs et esplanades publiques. D’importants travaux de restauration des berges ont été menés dans le bassin de la Charles River, au Fort Point Channel, à Rumney Marsh et Spectacle Island, ainsi que sur des portions importantes de la Boston Harborwalk.

Les visiteurs apprécient le parc et les passerelles sur les quarante hectares de la Spectacle Island. L’île, ses nouveaux centres d’accueil des visiteurs et ses installations portuaires ont été réceptionnés par la ville de Boston et le Department of Conservation and Recreation en 2006.

Différents parcs avec des jeux d’eau et autres aménagements ont été réalisés sur le tracé de l’ex-Central Artery du quartier chinois (Chinatown) jusqu’au Wharf District et à l’extrémité nord, désormais connu sous le nom de « Rose Kennedy Greenway ». En 2004, l’association à but non lucratif Rose Fitzgerald Kennedy Greenway Conservancy a été créée pour surveiller et gérer officiellement la Rose Kennedy Greenway.

Dans un axe central de Boston, un nouveau boulevard permet d’accéder à la Rose Kennedy Greenway, offrant d’agréables promenades sur de nombreuses places publiques et des kilomètres de trottoirs neufs ou rénovés équipés de 600 lampadaires et bordés de quelques 900 arbres bénéficiant d’un système d’irrigation.

D’autres parcs et zones vertes aménagés le long de la Charles River et dans le quartier est de Boston ont transformé la ville. Alors que les trois-quarts des 12 hectares libérés en centre ville restent des espaces ouverts, un quart est réservé à un projet d’urbanisation de faible ampleur visant à héberger des commerces et des logements dans de petits immeubles.

Parmi les projets en cours de développement figurent le New Center for Arts and Culture et un YMCA.

Le Big Dig a été initialement détenu et géré par le Massachusetts Highway Department, et ensuite par la Massachusetts Turnpike Authority (MTA), et fait partie intégrante du Metropolitan Highway System (MHS).

Bechtel/Parsons Brinckerhoff (B/PB), une joint-venture entre Bechtel Corporation of San Francisco et Parsons Brinckerhoff Quade & Douglas, Inc., de New York, a dispensé ses conseils pour la gestion de la conception et de la construction.

Pour plus d’informations: